Connaissez-vous la piscine Deligny ? C’était un de ces anciens bains publics aménagées sur la Seine, où la baignade se faisant directement dans les eaux du fleuve, dans un bassin fait de planches de bois entre lesquelles l’eau s’écoulait.
Du nom du maître nageur qui y fonde une école de natation en 1801, les bains ont traversé les décennies, pour sombrer complètement presque deux siècles plus tard en 1993 en coulant par quatre mètres de fond, suite à un choc trois ans auparavant avec une péniche.
Il y en a donc eu des générations qui ont fréquenté ce lieu ! Mais beaucoup ignorent aujourd’hui où étaient précisément amarrés ces fameux bains. On peut apercevoir l’établissement ci-dessous sur le quai Anatole-France, grâce à ce tirage d’une vue aérienne du Pont de la Concorde en 1958 :
Vue aérienne de la piscine Deligny, en 1958, par Roger Henrard. Inventaire du Musée Carnavalet.
Sur la gauche c’est bien la place de la Concorde, et à droite l’Assemblée Nationale !
Les bains était très prisée l’été, on venait s’y rafraîchir, prendre un bain de soleil, draguer, discuter, y manger dans son restaurant, profiter de ses salons privés, et éventuellement y nager ! Haut lieu de l’exotisme parisien, fréquenté assidûment par Charles X, Louis-Philippe, et le Tout-Paris. Sur la plupart des archives photo, on y voit une foule de parisiens s’y presser.
Il existait à l’époque de nombreux bains de ce type, disposées sur des barges de Seine, les bains fleur, le bain-royal, les bains de la Samaritaine, entre autre.
A partir de 1840, les bains Deligny ont été reconstruis par ses nouveaux propriétaires les frères Burgh, en assemblant une dizaine de bateaux. Deux bassins, dont un de 30m doté d’un fond en bois en pente douce allant de 60cm à 2m de profondeur. Pour l’anecdote, l’un des bateaux, le Cénotaphe qui avait été spécialement construit pour rapatrier les cendres de Napoléon à Sainte-Hélène a finalement eu un tout autre destin, en cause un hiver de 1840 trop froid.
Doté d’un bassin de 50 mètres, la piscine a accueillit les premiers Championnats de France de natation en grand-bassin en 1899, pour une unique épreuve : le 100m nage-libre (le chrono du vainqueur peut faire sourire, il était de 1 minute 31s !). Une bonne partie des éditions suivantes s’y est également tenue avant que ne soit construite la piscine des Tourelles (l’ancien nom de la piscine Georges Vallerey) pour les JO de 1924.
Les bains ont même accueilli les épreuves de natation de Jeux Olympiques de 1900, mais les résultats ne furent jamais homologués car les dimensions du bassin n’étaient pas conformes avec… 6 mètres de trop !
Un documentaire de 1948 montre la reconstruction du bassin de la piscine Deligny. Le bassin dispose d’une armature de soutien et est désormais étanche et isolé du fleuve, l’eau peut désormais être filtrée.
L’eau est alors prélevée dans la Seine, décantée, passe successivement dans trois filtres, et une petite quantité d’eau de javel y est ajoutée. Une sorte de robot pompe aspirateur est aussi inventé afin d’enlever les impuretés présentes dans le bassin.
L’hiver, les bains pouvaient être démontés pour éviter d’être endommagés par les intempéries ou le gel. Dans les années 1960, les bains Deligny se transformait ainsi à l’automne en parking flottant. Car malgré le succès des bains durant les beaux-jours, cela ne suffisait pas à équilibrer les comptes, et les propriétaires devaient diversifier leurs recettes afin de pouvoir rembourser les emprunts contractés pour moderniser l’établissement.
Bien plus tard, ces installations qui ont toutes disparues ont inspiré la création de la piscine Joséphine Baker sur une péniche qui a été ouverte en 2006, avec une eau certes puisée dans la Seine, mais cette-fois ci traitée et chauffée.