Interview de Sylvain Estadieu qui va traverser la Manche… en papillon !

A quelques jours de sa traversée de la Manche entièrement en papillon, nous avons tenu à interviewer Sylvain, qui enregistre ses séances de natation sur nageurs.com sous le pseudo de Zul.

Bonjour Sylvain, peux-tu te présenter et nous indiquer ton parcours sportif ?

Sylvain, 27 ans, je suis originaire de la petite commune de Villé en Centre-Alsace (avis aux amateurs de vin blanc, c’est le bon coin). J’ai toujours été un nageur, ayant commencé par les bébés-nageurs puis le club local. J’ai fait quelques compétitions départementales à mon adolescence (un peu de brasse, un peu de crawl) et ai participé aux championnats de France N3 … par le biais d’un relais grâce à la qualification en individule de deux de mes coéquipiers. Je crois bien que j’ai réalisé le plus mauvais temps de tous les relayeurs de toutes les équipes, probablement deux secondes derrière l’avant dernier, sur 100m. Bref j’aime bien dire que je suis un nageur avec un niveau correct mais qui n’a jamais fait de vagues. Lorsque j’habitais encore en France, il m’arrivait de faire une course d’eau libre, à l’occasion. Ma première et préférée étant la traversée du lac d’Annecy à laquelle j’ai dû participé quatre fois. Je suis expatrié depuis 2006, en Irlande pendant quatre ans puis en Nouvelle-Zélande pendant une année et maintenant à Göteborg depuis un an et demi avec ma fiancée. C’est pendant mon temps en Irlande que j’ai réellement découvert la nage en eau libre/froide. Je suis passé de nageur avec un intérêt passif pour l’eau libre à grand afficionado des longues distances ou défis un peu tordus en rapport avec la nage !


Parles nous un peu de ton projet de traverser la Manche à la nage, comment t’es venue cette idée, et surtout pourquoi choisir de nager entièrement en papillon ?

L’idée de traverser la Manche m’est venue au contact de nageurs irlandais qui l’avaient déjà fait, ou projetaient de le faire. A cette époque je n’avais jamais nagé plus de 5km en piscine, plus de 2,5km en lac ou plus de 500m en mer ! Mais cette histoire de nage en eau froide, dans les vagues, pendant des heures, entre deux pays, m’intriguait fortement. Deux ans d’entrainement plus tard, septembre 2009, je parvenais à atterrir sur la plage de Wissant après 14h44 de nage. On pourrait se dire qu’après avoir traversé ce détroit (et ayant au passage souffert et passé mon temps à maudire ces fichues vaguelettes), je n’aurais aucune envie d’y retourner, mission accomplie … et pourtant ! J’ai continué à nager, à fréquenter des nageurs lancés dans des défis toujours plus fous et après avoir fait quelques expérimentations en « quatre nages » et papillon, j’ai finalement décidé que la traversée en papillon était à la fois une idée folle et vaguement réalisable. Je me savais capable d’allonger les distances dans cette nage, mais parcourir près de 35km ? L’incertitude quant à l’issue du projet, alliée au fait que j’ai toujours aimé nagé le papillon ont fait que je me suis inscrit pour un retour dans la Manche une année après ma première traversée … trois ans à l’avance !

 

Est-ce que le fait d’avoir traversé la Manche il y a quatre ans va t’aider cette fois-ci ? Quels enseignements as-tu tiré de ta première traversée et que tu comptes mettre en pratique cette fois ?

La traversée elle-même s’est passée sans problème majeur la première fois, malgré de gros doutes dans les semaines précédentes. J’avais eu mal aux épaules, une douleur au biceps se réveillant systématiquement après 5 ou 6 heures, quelques séances que j’ai terminé en ayant bien plus froid que prévu. La météo à Douvres n’avait pas été terrible du tout et j’étais assez loin sur la liste d’attente de mon pilote. Et pourtant tout s’est bien passé, l’entrainement sur deux années a porté ses fruits (NDLR: voir aussi les impressions de Sylvain sur le forum eau libre à propos de cette première traversée).

Cette expérience me permet en partie de balayer certains doutes que j’ai pû avoir ces derniers mois, là aussi en rapport avec ma condition physique, ma capacité à supporter le froid et celle de tenir la distance. Je me suis entrainé encore plus dur qu’en 2009 et suis bien plus confiant au moment de décoller pour l’Angleterre que le premier coup.

Beaucoup de choses ne se sont pourtant pas goupillées de la meilleure manière cette année. La mer et les lacs aux alentours de Göteborg sont passés de 0°C à 18°C et plus en peu de temps. Je n’ai donc pas eu beaucoup l’occasion de m’entrainer dans des eaux entre 12 et 16°C, ce qui aurait été le top. Par ailleurs il n’y a pas en Suède une communauté de nageurs de longues distances en eau froide comme celle que je fréquentais en Irlande. S’entrainer seul, la plupart du temps, n’a pas été facile à gérer. Mais j’espère que je serai ainsi d’autant mieux préparé pour mon effort solitaire. L’entrainement est une chose, mais au final je mise tout sur une traversée !

On peut s’entrainer pour beaucoup de choses, tenter de visualiser sa traversée et prendre de bons conseils venant d’autres nageurs plus expérimentés … mais en fin de compte il y a toujours des choses auxquelles on ne pense pas ou qui vont nous surprendre le jour-même.

 

Depuis-quand t’entraînes tu pour ce défi, à quoi ressemble une de tes semaines d’entraînement, et comment structures-tu tes entraînements jusqu’au jour de la course ?

Je me suis inscrit il y a trois ans et ai véritablement commencé à travailler mon papillon il y a deux ans. J’ai commencé avec des séances courtes, de deux à cinq kilomètres dans lesquelles je tentais d’intégrer des séries de papillon de plus en plus longues ou avec de moins en moins de repos. Pour vous donner une idée de l’évolution durant ces premiers mois, j’ai commencé, avec difficulté, par des séries du genre [10 x 50 papillon départ 1:10] pour parvenir quelques mois plus tard à des [50 x 100m papillon départ 1:50] ou des 1000m papillon en 16:30 ou moins.

A partir de septembre 2012 j’ai eu la chance de recevoir un plan d’entrainement de ma coach en Irlande. Elle a entrainé plus d’une quinzaine de personnes pour des traversées de la Manche, a la réputation de beaucoup faire travailler ses nageurs et était curieuse de voir comment je pourrais réagir à un plan d’entrainement pour le papillon de longue distance. Les premiers mois correspondaient à environ 25-30km par semaine sur 5 ou six séances, le tout en piscine (de 50m). A partir de Novembre sont apparues les longues séances entre 16 et 24 km, une puis deux fois par mois, toujours en piscine. Mai, Juin et Juillet m’ont vu transitionner de bassin à eau libre et augmenter des distances encore une fois pour atteindre 50 à 75km par semaine.

Il y avait pas mal de séries orientées vitesse au départ. Des tas de 50m (jusqu’à 240 x 50 !) avec 10 ou 15 secondes de repos en plus de séances moins … inspirantes, avec des 1000m, 1500m ou plus. On est passé à des séries de 100, 200, 400 … par la suite. A ce moment-là j’avais vraiment hâte de pouvoir retourner en eau libre et de ne plus avoir à faire de virages ou de slalomer entre les autres nageurs de la seule ligne « rapide » de mon bassin göteborgeois !

Durant la saison d’eau libre je recevais mes instructions soit sous forme de nombre d’heures soit de nombre de tours d’île (environ un mile). Les séances de 2 heures étaient qualifiées de « sprint » et certaines sorties s’étalaient sur 6, 7 voire 8 heures.

J’ai également effectué un stage en Irlande en compagnie d’une vingtaine de « Channel aspirants ». Le premier jour nous a vu braver les eaux de l’Atlantique à 10°C pendant près de deux heures acant que le pays ne connaisse ses deux semaines les plus chaudes depuis 25 ans.

En plus de l’entraînement sportif, tu dois t’habituer à l’eau froide, problablement adapter ton alimentation, ton rythme dans la journée. Qu’est ce qui est le plus difficile ?

Comme dit précédemment je n’ai eu qu’un accès assez limité à l’eau froide. Je me forçais à faire trempette dans le bassin froid près du sauna après chaque séance. L’eau était parfois entre 6 et 8°C, je ressortissais donc rouge comme une écrevisse (le sang se rapproche de la surface de la peau pour faire barrage au froid). Sinon, en général je me force à m’habiller le plus légèrement possible même en hiver lorsque les températures se rapprochent des -15°C. Ma règle était : pas d’anorak !

Niveau alimentation, je ne suis sans doute pas un exemple, je n’y ai pas réfléchi plus que ça. Des glucides pour l’énergie (beaucoup de pâtes, patates …), viande blanche, produits laitiers. Mais surtout, de grandes quantités d’un peu tout … et plus de gateaux et de glace que la moyenne, surtout ces derniers mois qui m’ont vu descendre des décilitres de crème glacée, histoire de soigner mon bioprène (surnom mignon de la couche de graisse qui remplace la combinaison) !! J’avais prévenu, je ne suis pas un exemple.

Le plus dur au final a été de faire en sorte de combiner la nage, le boulot et la vie à la maison. Il était difficile de rogner par-ci par-là sur l’une ou l’autre de mes trois vies.

 

Au travers ce défi sportif, tu souhaites également faire connaître des associations caritatives, peux tu nous en dire quelques mots ?

Je tente de récolter des fonds pour deux associations. L’Association des Parents d’Enfants Inadaptés (APEI Centre Alsace) s’occupe d’enfant handicappés dans ma région d’orgine. Hundar Utan Hem est une association qui s’occupe d’accueillir et de re-loger des chiens abandonnés en Irlande et Suède. Parrainer ces associations me permet d’une certaine manière de donner à mes trois pays ! Vous pouvez trouver plus de renseignements sur ces associations sur ma page de parrainnage (http://www.sylleswims.com/charities/?lang=fr). Vous pouvez également faire l’acquisition d’un bonnet commémoratif de ma traversée, réalisé par mon sponsor AQUADEUS. (http://www.aqua-deus.com/) 15% ira directement aux deux associations.

 

A quelle date est prévue ta traversée ? Quel objectif t’es tu fixé ?

Je serai à Douvres à partir du 10 Septembre jusqu’à … ce que j’ai l’occasion de nager ! Les marées les plus favorables sont entre le 12 et le 17, mais il se pourrait que je sois forcé de nager durant des vives-eaux quelques jours plus tard. Tout dépend de la météo. Si le vent est trop fort et/ou souffle dans la mauvaise direction, la traversée n’est tout simplement pas faisable. La décision revient au pilote.

Pour ce qui est de mon objectif, il s’agit tout simplement d’arriver de l’autre côté en un morceau. Je mentirais si je disais que je ne pense pas au record (14h18 par la Britannique Julie Bradshaw plus de dix ans aprés les 23h33 de la Canadienne Vicki Keith). Mais celui-ci ne me sera accessible que si les conditions météos sont favorables.

 

Nous te souhaitons une bonne traversée ! Une dernière questions : Que comptes tu faire une fois tout ceci terminé ?

J’ai encore un petit projet de nage pour cette année … qui pourrait se faire tout juste après ma traversée. Mais c’est encore un secret ! Sinon je ne re-tenterai sans doute pas de si tôt un tel défi. Je vais peut-être m’inscrire en Maîtres et faire quelques compétitions (200m papillon ? 1500m ?) ou bien refaire un peu de nage en eau très froide, peut-être un « Ice Swim » (cf http://www.internationaliceswimming.com/) ou les championnats du monde de nage hivernale en Finlande. Il y a de quoi faire même en diminuant les distance 🙂

 

Comment suivre la traversée le jour-même ?

Vous pouvez suivre ma page twitter (twitter.com/sylvainswims) ou Facebook (www.facebook.com/SyllesSwimsFly) sur lesquelles apparaitront les dernières nouvelles, y compris pendant la traversée. Il y aura notamment un lien vers un site (cspf.co.uk) sur lequel vous pourrez me traquer en temps réel grace à la balise GPS située sur le bateau d’accompagnement.

Merci Sylvain ! Nous te souhaitons une belle traversée, et si possible un record !!